L’article L. 480-13 du code de l’urbanisme ne méconnaît ni la sécurité juridique ni le droit de propriété de manière excessive

La Cour de cassation a récemment rendu un arrêt important en rejetant une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) portant sur l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme. Cette disposition permet la démolition de constructions érigées conformément à un permis de construire ultérieurement annulé.

 Contexte : La société Énergie Renouvelable du Languedoc (ERL) avait obtenu un permis de construire pour un projet éolien. Suite à l’annulation de ce permis pour insuffisance de l’étude d’impact, des associations de protection du paysage ont demandé la démolition des installations. La société ERL a alors soulevé une QPC, arguant que l’article L. 480-13 portait atteinte au droit de propriété et à la sécurité juridique.

 Décision de la Cour : La Cour de cassation a estimé que la QPC soulevée n’était ni nouvelle ni sérieuse. Elle rappelle que l’action en démolition ordonnée par le juge judiciaire doit démontrer un préjudice personnel causé par la violation des règles d’urbanisme. Enfin, le juge doit vérifier si les règles d’urbanisme justifiant l’annulation du permis sont toujours applicables au moment de sa décision, ou si la situation a été régularisée.

 À retenir : Cette décision confirme que l’article L. 480-13 du code de l’urbanisme, en l’état, ne porte pas une atteinte disproportionnée au droit de propriété ni à la sécurité juridique. La Cour a réaffirmé le rôle du juge judiciaire dans l’évaluation des préjudices et de la conformité aux règles d’urbanisme. Elle a ainsi clarifié le cadre juridique applicable à la démolition de constructions réalisées sous couvert d’un permis de construire annulé, assurant une meilleure sécurité juridique pour les propriétaires et exploitants.

 

Cass. civ 3ème du 25 avril 2024, n°24-10.256

 

Les litiges relatifs au paiement direct par le maître d’ouvrage délégué, dans le cadre d’un marché de travaux publics, doivent être portés devant le juge administratif

La Cour de cassation a clarifié la compétence des juridictions dans les litiges relatifs aux paiements directs dans le cadre des marchés publics de travaux.

Contexte : Nexity, maître d’ouvrage délégué par la société SNCF Réseau pour la réalisation d’un péage rail-route, avait agréé la société Concept TP en tant que sous-traitant pour des travaux spécifiques. Suite à la liquidation judiciaire du titulaire initial du lot, Concept TP a assigné Nexity en paiement des travaux exécutés. Nexity a contesté la compétence du juge judiciaire, soutenant que le litige relevait de la juridiction administrative.

Décision de la Cour : La Cour de cassation a annulé l’arrêt de la cour d’appel de Versailles qui avait déclaré le juge judiciaire compétent. La Cour a rappelé que les litiges liés à l’exécution d’un marché de travaux publics, impliquant l’évaluation des conditions d’exécution de ce marché, relèvent de la compétence de la juridiction administrative, indépendamment de la nature privée des parties en cause.

À retenir : Cet arrêt confirme que les litiges relatifs au paiement direct par le maître d’ouvrage délégué, dans le cadre d’un marché de travaux publics, doivent être portés devant le juge administratif. La Cour a souligné que la compétence juridictionnelle ne dépend pas de la nature des entités impliquées (privées ou publiques), mais de la nature du contrat et de l’exécution des travaux publics.

Cette décision renforce la séparation des compétences juridictionnelles entre les juges judiciaires et administratifs et assure une application cohérente des principes régissant les marchés publics.

 

Cass. civ 3ème du 25 avril 2024, n°22-22.912

Évolution de la recevabilité des requêtes postales par le Conseil d’État

Le 13 mai 2024, le Conseil d’État a rendu un arrêt significatif concernant les conditions de recevabilité des requêtes reçues par courrier postal, adoptant la règle du « cachet de la poste fait foi » (CE, 13 mai 2024, n°466541). Traditionnellement, pour que la saisine de la juridiction administrative soit recevable, le respect du délai de recours de deux mois était impératif, exigeant que la requête parvienne à la juridiction avant l’expiration du délai. Cette exigence posait problème pour les justiciables utilisant le courrier postal, car une requête envoyée à la veille de l’expiration du délai mais reçue après celui-ci était déclarée irrecevable.

Avec ce nouvel arrêt, le Conseil d’État a harmonisé les règles de recevabilité en décidant que la date d’expédition, prouvée par le cachet de la poste, sera désormais la référence pour apprécier la recevabilité d’une requête. Ce changement assure une égalité de traitement entre les requérants utilisant la plateforme de saisine dématérialisée Télérecours citoyen et ceux recourant à la voie postale. Ce revirement de jurisprudence est salutaire, permettant aux justiciables de ne plus avoir à anticiper les délais postaux et éliminant les risques liés aux aléas de la Poste.

 

Décision CE n° 466541 – 13 mai 2024

Avis du Conseil d’État sur le projet de loi relatif au développement de l’offre de logements abordables

Le Conseil d’État a examiné un projet de loi visant à augmenter l’offre de logements abordables. Le projet propose des mesures innovantes pour soutenir les communes déficitaires en logements sociaux, notamment en intégrant le logement locatif intermédiaire dans les contrats de mixité sociale et en facilitant les préemptions foncières pour réguler les prix. Le Conseil d’État souligne l’importance de maintenir l’objectif final de logements sociaux tout en permettant des ajustements pour répondre aux contraintes locales.

Le texte propose également de faire présider les commissions d’attribution de logements sociaux par les maires, renforçant ainsi leur rôle. Le Conseil d’État note les complexités potentielles induites par cette mesure mais la juge constitutionnelle. Par ailleurs, le projet de loi permet aux bailleurs sociaux de produire davantage de logements intermédiaires et d’optimiser la politique des loyers, sans réduire la production de logements sociaux.

D’autres dispositions visent à faciliter le renouvellement urbain, en simplifiant les procédures d’aménagement et en améliorant l’efficience des préemptions foncières. Le Conseil d’État insiste sur la nécessité d’encadrer ces nouvelles mesures pour garantir leur efficacité et leur conformité aux principes constitutionnels.

En résumé, le Conseil d’État soutient globalement les initiatives proposées dans ce projet de loi, tout en formulant des recommandations pour améliorer certains aspects et en soulignant la nécessité d’un suivi attentif pour s’assurer que les objectifs de logements abordables soient atteints de manière efficace et équitable.

 

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