La Société d’Économie Mixte à Opération Unique (SEMOP) est une structure juridique relativement récente, introduite par la loi n° 2014-774 du 1er juillet 2014 et codifiée dans les articles L.1541-1 et suivants du Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT). Elle permet une collaboration étroite entre des collectivités publiques et des partenaires privés, dans le but de mener à bien des projets d’intérêt général tels que des opérations de construction, d’aménagement, ou encore la gestion de services public. Il s’agit d’un modèle hybride qui présente des avantages mais qui peut également soulever certaines interrogations quant à la gestion des risques et à la répartition des responsabilités entre les parties prenantes.
I. Qu’est-ce qu’une SEMOP ?
1. Définition juridique de la SEMOP
La Société d’Économie Mixte à Opération Unique (SEMOP) est définie par l’article L.1541-1 du CGCT comme une société à capital mixte, regroupant à la fois des actionnaires publics et privés. Contrairement aux autres formes de sociétés d’économie mixte, telles que les SEM (Sociétés d’Économie Mixte) ou les SPL (Sociétés Publiques Locales), la SEMOP est spécifiquement constituée pour un seul et unique projet. Son objectif est d’exécuter un contrat passé avec une collectivité territoriale ou un groupement de collectivités.
2. Objectifs et missions de la SEMOP
Les missions de la SEMOP sont strictement limitées à l’exécution d’un contrat spécifique, tel que stipulé dans l’article L.1541-1 du CGCT. Ces contrats peuvent concerner plusieurs types d’opérations :
- Construction : projets d’infrastructure ou de bâtiment, y compris le développement de logements ou d’équipements publics.
- Aménagement : réalisation de projets d’urbanisme, de développement de zones économiques ou résidentielles.
- Gestion de services publics : exploitation de réseaux de transports, de distribution d’eau, de traitement des déchets, etc.
La durée de vie de la SEMOP est limitée à la durée de son contrat, et elle est dissoute une fois que l’opération a été achevée ou que le contrat est arrivé à son terme.
II. La SEMOP : Un partenariat public-privé horizontal
1. Nature du partenariat public-privé
La SEMOP repose sur un modèle de partenariat public-privé horizontal, dans lequel les deux parties – la collectivité territoriale et l’opérateur privé – collaborent de manière étroite. Contrairement aux Partenariats Public-Privé (PPP) traditionnels, où l’opérateur privé prend souvent la majorité des décisions, la SEMOP assure un équilibre dans la prise de décision.
L’article L.1541-1 du CGCT encadre la création de la SEMOP par une procédure de passation des contrats publics en vertu du Code de la commande publique. Cela implique que l’opérateur privé est sélectionné via une mise en concurrence rigoureuse avant de devenir actionnaire de la SEMOP. Ce partenariat est considéré comme « horizontal » car il associe directement les intérêts des deux parties dans la gestion du projet.
2. Sélection de l’opérateur privé
Le processus de sélection de l’opérateur privé est crucial dans la constitution d’une SEMOP. Conformément au Code de la commande publique, la collectivité territoriale doit lancer une procédure de publicité et de mise en concurrence pour choisir l’actionnaire opérateur économique. Cette mise en concurrence doit garantir que le partenaire privé soit sélectionné sur des critères objectifs, comme son expertise technique, ses capacités financières et sa capacité à mener à bien le projet dans les délais impartis.
Une fois sélectionné, l’opérateur devient actionnaire de la SEMOP, aux côtés de la collectivité. Cette relation contractuelle garantit une implication mutuelle dans la réussite du projet.
La gestion d’une SEMOP est également répartie entre les deux parties, avec un accent sur la participation de la collectivité territoriale dans les décisions stratégiques. En vertu de l’article L.1541-1 du CGCT, la collectivité doit détenir entre 34 % et 85 % du capital de la SEMOP, ce qui lui confère une minorité de blocage sur les décisions importantes.
III. Qui sont les actionnaires d’une SEMOP ?
La constitution d’une SEMOP repose sur la collaboration entre deux catégories d’actionnaires: les actionnaires publics et les actionnaires privés.
- Actionnaires publics : Il s’agit généralement de collectivités territoriales (communes, départements, régions) ou de groupements de collectivités (syndicats mixtes, communautés d’agglomération). Selon l’article L.5721-2 du CGCT, ces entités publiques peuvent se regrouper pour créer une SEMOP commune, facilitant ainsi la réalisation d’un projet d’intérêt général. La présidence de la SEMOP est généralement exercée par un élu de la collectivité publique.
- Actionnaires privés : Ce sont des opérateurs économiques choisis à l’issue d’une procédure de mise en concurrence. Ce processus garantit que le partenaire privé retenu dispose des compétences techniques et des ressources financières nécessaires pour mener à bien le projet. L’opérateur privé détient au moins 15 % du capital de la SEMOP, lui conférant un rôle clé dans l’exécution des travaux.
Un autre acteur peut également intervenir dans le financement du projet : le tiers investisseur, qui est sélectionné sans mise en concurrence. Ce dernier n’a pas de rôle opérationnel mais peut fournir les ressources financières nécessaires à la réalisation du projet. Le recours au tiers financement vise à limiter le montant des apports en fonds propres de la collectivité, ce qui permet d’assurer le financement des travaux et des investissements.
IV. La répartition des risques dans une SEMOP
1. Partage des risques financiers et opérationnels
L’un des aspects cruciaux de la SEMOP est la répartition des risques entre les actionnaires publics et privés. En tant qu’actionnaire, la collectivité territoriale participe non seulement aux bénéfices, mais aussi aux pertes potentielles. Cela signifie qu’elle est exposée aux risques financiers liés au projet, tels que des dépassements budgétaires ou un échec commercial.
Les projets risqués incluent souvent des marchés non rentables, des concessions complexes ou des opérations d’aménagement avec des retours sur investissement incertains.
Ce partage des risques doit être précisément détaillé dans le Pacte d’actionnaires de la SEMOP afin d’éviter que la collectivité territoriale ne supporte le maximum de risques, surtout dans le cas de la gestion d’un service public dont la rentabilité n’est pas assuré.
Il convient d’être particulièrement vigilant lors de l’entrée au capital de la SEMOP d’un tiers investisseur afin de s’assurer qu’il porte lui aussi une partie significative de risques et que celui-ci ne soit pas directement ou indirectement indéfiniment garanti par la collectivité publique.
Le cas du contrat de concession confié à une SEMOP est régi par l’article L.1541-1 du CGCT. Le contrat de concession fixera les conditions d’exploitation du service public ou d’exécution des travaux, ainsi que la répartition des risques entre l’autorité concédante et le concessionnaire.
Les Statuts et le Pacte d’actionnaires de la SEMOP fixeront quant à eux la répartition des risques entre les actionnaires publics, privés et les tiers investisseurs.
2. Les similitudes entre la SEMOP et le Marché de partenariat (anciennement PPP).
Il est important de noter que la SEMOP partage plusieurs similitudes avec les marchés de partenariat (anciennement appelés PPP – Partenariats Public-Privé). Ces deux dispositifs visent à impliquer des opérateurs privés dans des projets d’intérêt public, avec une répartition des risques qui doit être équilibrée. Cependant, la SEMOP se distingue par une plus grande implication des collectivités publiques dans la gouvernance.
En outre, comme dans le marché de partenariat, la SEMOP implique que :
- Une externalisation de la dette d’investissement : l’investissement sera porté par une structure dédiée externe, ce qui permettra de ne pas consolider la dette directement dans les comptes publics de la collectivité territoriale.
- La structure juridique dédiée fera appel à un tiers investisseur spécialisé dans les projets d’infrastructures et à une dette bancaire long terme. Il conviendra d’être particulièrement vigilant à la stabilité des TRI investisseur, de la rémunération des avances en compte courant d’associés et des taux d’intérêts sur des emprunts long terme. En effet, l’exemple de certains marchés de partenariat mais également des emprunts structurés contractés par certaines collectivités a montré que le coût des intérêts investisseurs et des intérêts capitalisés de dettes bancaires ont pu dépasser le montant initial des investissements.
- Des contributions publiques à l’investissement importantes : la SEMOP prendra à sa charge le coût des investissements. Mais dans le cas où l’exploitation du service public ne serait pas suffisante pour amortir le montant des investissements, la collectivité territoriale versera, en tant qu’autorité concédante, une contribution publique à l’investissement à la SEMOP. Cette contribution est une subvention représentant le cas échéant une part très significative du coût réel d’investissement.
A la différence du marché de partenariat, dans le cadre d’une concession confiée à une SEMOP, la collectivité territoriale concédante ne paiera pas de « loyer » pendant toute la durée du contrat. La collectivité territoriale ne percevra pas non plus les recettes d’exploitation, qui seront directement perçues par la SEMOP, puisque c’est celle-ci qui assure le risque d’exploitation.
Toutefois, si ce risque est trop important compte tenu de la charge que représentent les obligations de service public (par ex : des tarifs usagers relativement bas imposés par le conseil municipal à la SEMOP), alors la collectivité territoriale versera en qualité d’autorité concédante une contribution de service public à la SEMOP. Il s’agit d’une subvention versée à la SEMOP pendant toute la durée du contrat en compensation des obligations de service public.
Conclusion : La SEMOP, un outil à double tranchant ?
La SEMOP représente une solution attractive pour les collectivités souhaitant s’associer à des opérateurs privés tout en conservant un certain contrôle sur des projets d’intérêt général.
Sous réserve d’être bien pilotée en termes de partage des risques et de disposer d’une solide compétence en matière de gestion des contrats financiers, elle peut offrir une collaboration efficace entre les secteurs public et privé.
Cependant, ce modèle présente aussi des risques importants. Les complexités administratives liées à la mise en place d’une SEMOP, la complexité des montages financiers ainsi que le partage des pertes en cas de projets non rentables peuvent faire peser des risques financiers significatifs sur la collectivité et sur la qualité du service public en cause.
En synthèse,
nous pouvons conclure que la SEMOP est un modèle adapté aux activités susceptibles d’être rentables et dans ce cas sa réussite reposera sur la capacité de la collectivité territoriale à négocier les termes du partage des risques et à imposer les contraintes nécessaires à la continuité du service public.
En revanche, la SEMOP n’est pas un modèle adapté aux services publics non rentables car dans cette hypothèse la collectivité territoriale pourrait supporter le risque financier deux fois :
- d’une part, en tant qu’autorité concédante parce qu’elle verserait des contributions publiques à l’investissement et des contributions de compensation de service public importantes grevant ainsi tant son budget d’investissement que de fonctionnement,
- d’autre part, en qualité d’actionnaire de la SEMOP car elle supporterait les pertes financières dans le cas où l’activité est déficitaire.
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